Sequana DODGERS - Coque en stock

Pendant que le moteur Lycoming entamait son grand périple, la coque était mise à disposition de Sequana par le Musée de la Batellerie, en la personne de son Conservateur Monsieur Laurent Roblin. En passant de Conflans-Ste Honorine à l'Ile de Chatou (12 juillet dernier), les " DODGERS ", nous les appelons ainsi, ne purent résister longtemps : conscients d'intervenir sur une pièce de musée, ils commencèrent méthodiquement le démontage du runabout, en repérant scrupuleusement chaque pièce !

Dès que ce fut possible, le décapage extérieur débuta. Il s'agissait plus d'un " épluchage " vu les nombreuses couches de peinture. Mais nous avons gagné au "grattage" (bravo à Guy d'Houilles !) : la peau à peine ridée apparaît bien vite laissant présager un résultat exceptionnel pour la finition. Toute nue, cette coque en acajou du Honduras, avec étrave, quille et bouchains en chêne blanc d'Amérique, n'attend plus que l'avis des experts.

Puis vient la plongée dans les entrailles du "monstre" , les plaques d'identité - souvent bien cachées - livraient leurs secrets : plaque du fabricant, Dodge Newsport News V.A., du motoriste , Powered by Lycoming, et de l'importateur français, nous éclairaient sur ses origines.

Tous les organes de direction, de transmission et de propulsion furent soigneusement démontés et nettoyés des dépôts que le temps avait accumulés, nous laissant souvent admiratifs et songeurs ; le tuyau d'échappement en cuivre rouge, le safran en bronze avec sa transmission surdimensionnée venant de la prestigieuse firme "Duesenberg", l'ensemble propulsif en acier et bronze, font entrevoir un résultat final prometteur !

Quelques problèmes surgissent : le tableau de bord profondément encastré demande un sérieux "brainstorming". L'obstacle enfin franchi, les instruments de bord sont déposés avec minutie et patience, en répertoriant bien les circuits électriques compliqués, en câbles d'époque défiant toutes les normes européennes !

Par contre l'envers du décor est moins enthousiasmant : les quelques taches présentes sous la carène sont certainement les conséquences d'une catastrophe mécanique passée. Les 2/3 arrières sont imbibés d'huile et d'hydrocarbures venant sans doute d'une fuite massive du moteur d'origine. Après un dégraissage superficiel, la coque est retournée ; les spécialistes du " SAMU nautique " dépêchés sur place sont formels : il faut opérer ! Outre la zone arrière qui a subit d'autres dommages, le reste du fond doit être démonté. La fabrication originelle se composait de deux plis croisés en acajou de 3 mm environ à l'intérieur et de 6 mm environ à l'extérieur, séparés par une toile enduite de colle. Une étude approfondie révèle deux membrures cassées, une quille un peu malade et des lisses endommagées. Une légère déclivité dans la coque au quart postérieur interroge : nécessité d'architecte ou accident ? La consultation de spécialistes internationaux (Clayton, Cheasapeake, Philippe Rouff…) nous permettra peut-être d'élucider ce mystère, et quelques autres.

Les choix techniques pour la restauration devront rester dans l'éthique choisie par l'armateur du runabout, notre ami Laurent Roblin. Il nous reste à l'heure où j'écris cet article, à lui fournir tous les éléments techniques et financiers pour permettre une résurrection sereine de ce beau bateau. Il nous apparaît souhaitable de le laisser autant que faire se peut dans son authenticité, lui permettant de revivre et de témoigner de l'époque où les États-Unis sortaient d'une grave crise économique et réapprenaient à vivre… Les évènements actuels montrent le caractère impitoyable de l'Histoire et nous en sommes d'autant plus motivés face à la sympathie de nos correspondants américains que nous saluons !

Michel Desplat

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