LA VAPEUR DE PLAISANCE

L'utilisation de la force d'expansion de la vapeur fut entrevue dés le 1er siècle par Heron d'Alexandrie mais l'emploi de la vapeur pour fournir un travail est dû à Denis Papin (1647-1714) puis aux anglais Savery, Newcomen vers 1700 et James Watt, qui donna à la machine son "aspect actuel".

Denis Papin en 1707 invente la soupape de sûreté et fut le premier à placer sa machine à vapeur sur un bateau à quatre roues a aubes

Le marquis Jouffroy d'Abbans en 1776 réalisa plusieurs essais de bateaux à vapeur et réussit en 1784 à remonter la Saône de Lyon à Chalons (*)

L'Américain Fulton réalisa deux bateaux qu'il essaya sur la Seine en 1803. Il proposa au gouvernement français de construire des bateaux à vapeur pour la flottille de Boulogne de Bonaparte et ne fut pas retenu. Il repartit pour l'Amérique où il fit construire un troisième bateau, un "véritable bateau à vapeur" qui navigua avec succès sur l'Hudson en 1807.
En Angleterre tous les essais furent postérieurs.

Dés 1826 vingt bateaux à vapeur circulaient sur la Seine. En 1836 des vapeurs font le service de Paris à Rouen et en 1837 la ligne de chemin de fer Paris/Saint-Germain-en-Laye étant inaugurés, le Pecq, devient le grand départ pour descendre la Seine jusqu'au Havre .
Les "Dorades" et les "Etoiles" partent chaque matin à 8h. L'arrivée a lieu à Rouen entre 18 et 19h (200km de rivière en 10h dix huit arrêts compris, 18 km heure de moyenne!!!)
Les Dorades sont mues par des machines à vapeur à haute pression de 40 chevaux construites par Cavé mécanicien (214, rue de faubourg-Saint-Denis à Paris)
François Cavé d'origine modeste est ouvrier menuisier dans une fonderie. Doué d'un esprit curieux, il observe la place grandissante de la vapeur dans l'industrie, il invente la machine cylindrique oscillante, aux poids allégés et au coût de fabrication moindre. Toute cette activité parvient aux oreilles du roi Louis-Philippe qui encourage "le génie constructeur" en le décorant de la légion d'honneur en 1834.

Bientôt le nombre de vapeurs augmentant, Louis-Philippe, le 23 mai 1843, crée une ordonnance réglementant la navigation des bateaux à vapeur naviguant sur les rivières et fleuves de France (Le Yacht 1879).

La Plaisance

De riches plaisanciers s'intéressent à ces nouveaux bateaux. Un ingénieur mécanicien Auguste Cochot lança sur la Seine le "Corsaire Noir" en 1840. La coque sortait des chantiers Baillet fils, elle avait 8mètres de longueur. La machine, d'une force de deux chevaux vapeur, était à détente à condensation et n'avait qu'un cylindre.
En 1853 A. Quervel fit construire sur les plans de M. Farcot ingénieur à Saint-Ouen un yacht à vapeur de 18 mètres sur 2,60 mètres de large, "La Caroline", avec un gréement de goélette. Ainsi armé ce petit steamer visita les ports du Havre et de Trouville, puis fit pendant les été 1854 et 1855 un service de voyageurs entre Paris et Saint-Cloud. Les premières grandes courses eurent lieu à Paris en 1867 à l'occasion de l'exposition universelle, puis à Argenteuil en 1874.
Une gravure représente la première régate de vapeurs qui étaient au nombre de cinq :

Les vapeurs ayant deux départs suivant la série, la goélette Flebé donnait les signaux: les vapeurs allaient doubler une arche du pont de Bezons où ils doublaient une bouée placée devant le pavillon du Cercle (C.V.P.) de telle sorte que la bouée d'Épinay devait être doublée trois fois : arrivée devant le Cercle, parcours 24 km.
La petite série partait à 2h30 devant la goélette et faisait deux fois le parcours soit 12 km.
Le mardi 24 janvier 1882 a eu lieu au C.V.P. une conférence sur les petits
vapeurs : la construction, la chaudière, la machine, les petites réparations.

En 1883 apparaît un nouveau règlement pour les bateaux à vapeur de rivière et spécialement les yachts.

Dans les pages publicitaires de l'époque on remarque que de plus en plus de constructeurs de voiliers ajoutent à leur chantier la construction de vapeurs. Texier père et fils à Colombes, maison fondée en 1848, constructeur de yachts à voile et vapeur, a construit : Sison, Bengali, Brive, le Pierrot, Aïda, l'Aigle et beaucoup d'autres. Gougy, Ingénieur mécanicien 143, bld de Montparnasse et 98, rue Notre-Dame-des-Champs à Paris : cuivrerie, ferrures, yachts voile et vapeur, chaudière inexplosible à tubes bouilleurs verticaux système Messanger, machines à vapeur trois cylindres système Hasley.
Dans la revue Le Yacht 1894 paraît la description d'un bateau à vapeur "Hermine" entièrement français, construit au Havre, dessin et exécution de M. Thirion ingénieur constructeur à Paris.
Par un récit de Raoul de Presles, journaliste, nous connaissons les différents bateaux à vapeur fréquentant la Grenouillère à Croissy. Article paru dans le journal l'Evénement n° 79 du 29 juin 1868 : "Quelle est cette innombrable quantité d'embarcations? Saluons d'abord la flotte à vapeur. Là-bas la petite barque à vapeur nantaise (de M. Mague ?) passe et repasse en sifflant et en soulevant autour d'elle plus de vapeur que ne le ferait un gros bateau.
L'Etincelle à M. Gresy, bateau beaucoup plus sérieux promène une élégante société.
Le petit vapeur Bougival fait son service au milieu de tout ce monde embarquant et débarquant des passagers sur les bachots du passeur. Le "Lucifer" toujours à vapeur reste tranquillement amarré.
Mais quelle est cette périssoire à vapeur où deux hommes peuvent tenir à peine ? C'est un chef-d'œuvre de mécanicien construit par deux jeunes gens qui viennent s'y promener chaque dimanche. Elle à 5 mètres de long et 50 centimètres de large, la machine ressemble à un mouvement d'horlogerie de Genève."

Nous savons que Henri Giquel à Rueil a construit de nombreux bateaux dont des vapeurs. Les anglais ont conservé depuis longtemps de merveilleux exemples de yachts à vapeur du siècle dernier. Il faut voir le magnifique musée de Windermer (Lake District), Sequana vous encourage à le visiter.
Pouvons-nous rêver avec Sequana à la reconstruction d'un yacht à vapeur de la Seine ?

Archives :

Isabelle et Gilles OUTIN

(*) Jouffroy d'Abbans passa la fin de sa vie à Port-Marly et mourut en 1833, ignoré et ruiné aux Invalides bien que Fulton ait reconnu en 1832 qu'il lui devait beaucoup.

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