POUR UNE BONNE MISE EN SEINE

Mettre une Yole ou un Canoë français à l'eau est une opération simple qui demande un peu de coordination, 90% des coups portés sur les bateaux, éraflures, gerces, membrures cassées, ont pour origine les manutentions et les abordages au ponton. Le prix a payer nous le connaissons, papier de verre, grattoirs, colle, vernis et des heures de travail.

Un canoë français se porte à deux par les pointes sous le bras.

Une yole se porte par les renforts à quatre.

Celui qui est derrière, en sortant le bateau, dirige la manoeuvre et lui seul ! Une Yole peut se porter à bras (tendus) ou à l'épaule. Les changements de positions se font ensemble et à l'ordre de celui qui commande la manoeuvre (généralement le barreur).

On prend le canoë français par les pointes, on le retourne soit vers la droite soit sur la gauche suivant la commodité, l'essentiel étant de se mettre d'accord avec son équipier de façon à placer ses mains correctement et d'éviter d'agir par surprise ! On le sort du garage en le portant sous le bras les deux porteurs étant du même côté. Celui qui est derrière surveille le passage des portants. Un coup de portant dans un bateau c'est une gerce ! Dans le crâne d'un quidam c'est spectaculaire, beaucoup de sang et entre trois et cinq points de suture, on a rarement vu moins !

Deux façons de mettre à l'eau sont possible : Soit au ponton, soit à partir de la berge. Au ponton le canoë est déposé sur le ponton dans le sens du courant, l'avant en amont, l'arrière en aval .

Les deux équipiers se déplacent pour se placer face à face, l'un d'entre eux ayant pris soin de prendre la bosse d'amarrage en main. Les deux équipiers soulèvent (en même temps !) le canoë en le saisissant par les lisses au niveau des portants, ils se dirigent vers le bout du ponton, plongent la pointe arrière dans l'eau, puis font glisser le bateau dans l'eau main sur main sur les lisses. L'équipier qui a la bosse d'amarrage se dirige vers la pointe s'étant assuré que son vis-à-vis s'es t saisi de la lisse à sa place. Une fois la pointe en main, il poursuit seul la mise à l'eau. Il est autorisé à lâcher le bateau en fin de course en faisant un léger " splach " qui est du dernier chic.

Pour la mise à l'eau à partir de la berge la tactique est la même en prenant soin de placer le bateau perpendiculairement à la rive. Il faudra être attentif au courant et faire d'autant plus vite que celui-ci sera vigoureux. Si il est trop fort il faudra se résoudre à se mettre les pieds dans l'eau et mettre le canoë à l'eau parallèle au sens de la rivière.

Pour quitter le ponton ou la rive il faut commencer par embarquer le barreur (ou mieux la barreuse), qui s'installe et vérifie le bon fonctionnement des tire-veilles et du gouvernail. Le rameur embarque, le barreur prenant soin d'écarter légèrement le bateau pour éviter que le portant force sur le ponton lors de l'enfoncement conséquent à l'embarquement du rameur.

Le rameur en embarquant place un pied sur le plancher ou la planchette située dans l'axe du bateau et de l'autre il pousse l'embarcation pour la dégager du ponton. Pour les débutants il est prudent que le rameur prenne place et qu'un aide se saisisse de l'aviron resté sur le ponton pour écarter le bateau. Si il n'y a pas d'aide on peut se déborder en dénageant de l'aviron extérieur, le barreur faisant attention à écarter le bateau du ponton.
L'abordage du ponton se fait toujours face au courant ou face au vent si l'effet de celui-ci est supérieur à celui du courant. Le barreur viendra du large et visera le milieu du ponton ou de la zone d'abordage. En estimant sa vitesse il commandera le stop à son rameur et viendra casser son erre en tirant sur la tire-veille extérieure.
Le bateau ne viendra jamais parallèlement au ponton, c'est le plus sûr moyen d'accrocher le portant ou la bosse de nage dans le ponton (ou dans la berge) avec un " crac ! " du meilleur effet signifiant que le genou ou qu'une membrure a cessé de vivre .
Le barreur se saisit du ponton et maintient le bateau écarté, toujours pour éviter de faire levier sur le portant. Le rameur tient ses avirons dans une seule main et saisit le ponton de l'autre, il demande à son barreur de débarquer. Celui-ci fixe ses tire- veilles sur les pontets et débarque pour venir maintenir le bateau au niveau du portant et permettre au rameur de débarquer à son tour, ce qu'il fera en amenant, dans le mouvement, l'aviron extérieur. Ceci étant fait le barreur se saisit de la bosse d'amarrage et fait glisser le bateau en bout de ponton vers l'aval (ou sous le vent si celui-ci est le plus fort).

Avant de sortir le bateau de l'eau on le videra de tout le matériel embarqué y compris de l'eau.Tenter de sortir un bateau plein d'eau c'est à coup sûr le condamner. On sous estime toujours le poids de l'eau embarquée, la charge devenant trop lourde immanquablement on repose le bateau sur le ponton et c'est au minimum une gerce, au pire la quille qui lâche avec un petit craquement sinistre. Rassurez vous cela ne se voit pas et le fort en gueule de service vous toisera en vous disant - " tu vois il n'y a rien ! ".

Le pauvre ! le malheureux ! l'âne bâté ! le splendide dépendeur d'andouilles ! le crétin étalon ! l'abruti merveilleux ! le gabier de poulaines ! l'écrevisse de rempart ! le morpion suisse ! le jus de godaille ! Il ne voit pas que toute la structure : quille, galbord, ribord, s'est déformée et que le bateau a une grande chance de faire de l'eau toute sa vie !

Revenons sur le ponton. Un équipier prend la pointe avant la soulève et recule jusqu'à ce qu'il devienne possible de saisir les lisses avec son équipier, toujours l'un en face de l'autre. Arrivés au niveau des portants on sort la pointe arrière de l'eau, on avance suffisamment pour déposer, sur toute sa longueur, le canoë sur le ponton. Puis chacun prend une pointe sous le bras et on le rentre au garage. Les vernis aiment bien être nettoyés avec une eau savonneuse puis rincés avant d'être rentrés au garage.

Permettez-moi au passage de régler un compte avec les petits rusés qui affublent les canoës français de dérives. La mise à l'eau et la sortie que nous venons de décrire leur sont interdites faute d'y laisser la vie de la fameuse dérive. Ils n'ont donc comme possibilité que de mettre à l'eau comme un outrigger et à moins d'avoir des membres supérieurs à rallonge, une fois sur deux, déposent le bateau sur le ponton, soit lui " massent " le bordage sur le bord du dit ponton. Ce qui est vrai avec un skiff ne l'est pas avec un canoë français. Nous verrons plus tard qu'il vaut mieux s'inquiéter de l'installation du rameur qu'accrocher un bout de laiton à la quille !

Pour une Yole, la manoeuvre est pratiquement identique, seul le portage diffère. On peut porter la Yole à l'endroit en la tenant au niveau des renforts, soit la retourner et la porter à l'épaule .

Une précaution, mettre les équipiers de même taille l'un en face de l'autre et rigoureusement en vis-à-vis. C'est le barreur qui commande les manoeuvres, à bras, le retournement, la mise à l'épaule. Tous ces mouvements doivent se faire rigoureusement ensemble faute de quoi l'un ou l'autre des équipiers " prend " d'un coup toute la charge et si cela est insupportable lâche le bateau avec les conséquences que l'on imagine. Et puis n'oublions pas que sur le plan esthétique c'est quand même mieux de voir une manoeuvre bien faite !

Nombreux sont les canotiers qui utilisent un chariot. C'est très pratique mais cela peut être fort dangereux pour le bateau. Un chariot ne doit jamais soulager un bateau en un seul point, mais toujours sur deux, espacés au minimum d'un mètre .
Le rangement des bateaux dans le garage se fait coque retournée sur les hiloires. En principe rien ne s'oppose à un rangement à l'endroit sur la quille. On veillera, dans ce cas, à ce qu'il ne reste pas d'eau stagnante dans les fonds, génératrice de pourrissement de la quille. Dans ce cas la pose d'un nable n'est pas inutile.
En conclusion rien ne vaut calme et douceur pour sortir ou rentrer un bateau. Je ne sais pourquoi ces opérations sont pour certains canotiers l'occasion de hurlements, d'ordres, de contre-ordres, d'invectives... Chacun ayant la vérité sur ce qu'il faut faire, avec un peu de chance les badauds qui traînent par là s'en mêlent, un vrai pugilat ! Le bateau pendant ce temps là encaisse les mauvais coups, en silence.
Bave du Râle d'Eau

Croquetons de Cap'taine Roof

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