D'abord il y eut le chaos.
Puis Sequana, la Seine bientôt couverte et une batellerie de travail
Puis, à partir de 1820, le Canotage à l'aviron et à la
voile, dont on se souvient de noms mythiques : le Margot, le New-York, le Lison,
la Capricieuse...
Puis Caillebotte, avec Condor (1880) et Cul Blanc (1883) et les 30 m2 (1892)
et Sequana a reconstruit le Roastbeef.
Puis le Monotype de Chatou en 1901 et nous avons Nymphée.
Enfin vint le Chat (1921) et nous avons Chahut !
La naissance du Chat fut un peu difficile. D'abord Monotype Nord Breton, descendant
en plus long et plus marin du Monotype Minimum de la Manche, dessiné
par Gaston Grenier, proposé par les Chantiers de la Hève, il séduisit
en 1920 trois morlaisiens.
Après un allongement de 10 cm de l'aileron de quille et une augmentation
de 50 kg du lest, il eut comme clients suivants dix membres de la S.N. de Baie
de Saint-Malo qui en 1922, pour 2860 F, firent construire leurs bateaux aux
chantiers de Saint-Servan Daniel et Mitre. Déjà tous ont un chat
noir en furie dans la voile et "chat" dans leur nom. Ils se nomment
le 1 "Chat Noir", le 2 "Chat Comme Ça", le 3 "Chat
Huant", le 4 "Chat de Mer", le 5 "Chat qui pelote",
le 6 "Chat Telaine" à Monsieur Bradley, le 7 "Chat Touille",
le 8 "Chat Rade", le 9 "Chat qu'expire".
Une deuxième série de dix suivit, malouine, dinardaise et déjà
un parisien en 1923.
Puis les choses se précipitent avec en 1925 l'adoption du Chat comme
monotype officiel du Cercle de la Voile de Paris désireux de régater
contre les "chatouillards" du Cercle Nautique de Chatou qui viennent
de s'installer à côté, sur le plan d'eau de Meulan. En 1928
la série accepte le safran suspendu sous l'étambot.
Et le développement de la série va encore s'accélérer
à Dinard, Saint-Malo, Dives ; pour la région parisienne en 1932,
sur 90 Chats, 45 naviguent l'hiver (24 au CVP, 12 au CN Chatou qui va devenir
l'YCIF) et on en trouve aussi à Morsang, Triel, La Frette, Enghien ;
en 1925 les Chats sont 120, en 1939 à l'apogée de la série,
on compte 173 bateaux.
Pourquoi un tel développement ?
Tout d'abord les caractéristiques du bateau, bien équilibré
(5 m de long, 1,63 m de large, 0,75 m de tirant d'eau, 350 kg de poids dont
140 kg de lest et une voilure de près de 17 m2), le tout permettant à
la fois un bateau d'initiation sécurisant par sa stabilité et
un bateau de formation et de régate complet, bien voilé avec foc
et spi ; l'opinion générale le décrit comme rapide, sensible
aux réglages et agréable à barrer ; par ailleurs son poids
modéré lui permet d'être tracté par une voiture moyenne,
sur sa remorque routière ou d'être convoyé sur wagon vers
la mer où les Chats ont l'habitude d'estiver.
Ensuite, une bonne organisation de l'association des propriétaires assurant
un programme de régates fourni (Championnat de France en double en 1931
et en solitaire en 1934 à Dinard, coupe des Dauphins, Mémorial
G. Tissier, sans compter les mémorables rencontres de Meulan entre le
CVP et l'YCIF) ; tous les meilleurs barreurs de l'époque (Ledeuil, Peytel,
Lebrien, Herbulot etc ...) sont passés par le Chat.
La guerre de 1939 porte un coup très dur au Chat ; beaucoup furent détruits
à Meulan et en Normandie ; en 1951 puis en 1954 on tenta de redémarrer
la série et c'est au Salon Nautique de 1954 que naquit Chahut, le 183,
proposé à 220.000 F (pour une série de dix) par le chantier
Carré de Poissy. La réanimation fut sans effet et la série
s'arrêta à Chat Rogne le 185. La compétition était
trop dure pour la pauvre bête, devant lutter contre des dériveurs
plus faciles à construire (donc moins chers) avec un Vaurien à
65.000 F, un Sharpie 9 m2 à 150.000 F et un Caneton à 250.000
F et tous regroupés dans des associations de série bien structurées.
Le Chat continue une activité régatière régulière
dans la région dinardaise (et Chahut se classa 2ème sur 16 au
Championnat des Chats en 1957) ; il était alors barré par son
premier propriétaire, Monsieur Munich, qui le céda à Monsieur
Doiteau, puis à Monsieur Varenne qui régata avec lui jusqu'en
1988 et qui nous l'a donné en 1999.
Lorsque nous avons récupéré Chahut sur la Rance au Chantier
Thanet, son état était pitoyable. Le démontage progressif
nous a montré des lésions encore plus graves que nous le pensions,
obligeant à changer progressivement l'étrave, la quille, le tableau
arrière, 90% des bordés, toutes les membrures, le pont avec la
serre-bauquière et barrots, le safran, la jaumière, etc... Heureusement
l'accastillage, le mât, la bôme sont en bon état et la garde
robe est bien fournie ; la restauration (ou plutôt la reconstruction)
de ce Chat aura été une école très intéressante
avec des interrogations, des décisions, l'application de techniques dont
nous n'avions pas l'habitude et bien entendu, des erreurs.
De toute manière, un grand merci à Chahut et bon vent, bonne mer
pour encore bien 50 ans (?).
Bienvenue à Shadok pour régater, c'est plus rigolo à deux.