Gibbon, c'est le nom d'un superbe canoë français du constructeur Dossunet (Saint-Maur-des-Fossés) qui, je pense, date des années vingt. Et le lien que je voie entre ce bateau et son nom, c'est l'agilité commune au deux. En effet, ce bateau n'est pas destiné à la simple promenade dominicale. Le simple fait de le ramer une fois, suffit à faire comprendre que ce bateau léger, fin et plutôt instable a été construit pour un propriétaire sportif de l'époque : allongement relatif de la coque important (7.80m sur 0.7m) ainsi que les formes en V des fonds (faible stabilité mais moins de surface mouillée à largeur égale). L'installation du rameur peut être disposée au milieu de l'embarcation pour ramer seul ou plus vers l'avant pour emmener un barreur.
Dans un état relativement correct, Gibbon était encore en état
de naviguer la saison dernière. Mais faisant de plus en plus d'eau, il
a été décidé de s'occuper de lui. Tout d'abord,
un simple décapage des fonds devait permettre de traiter les nombreuses
gerces. Cette première étape permettait de mettre à jour
les petites faiblesses au niveau des bordés de fond ainsi que des gerces
assez importantes pour nécessiter des pièces de renfort. Voyant
le travail ainsi entamé, je n'ai pu résister très longtemps
à un décapage intégral de la coque et du pont : pourquoi
ne faire que la moitié du travail alors que Gibbon mérite sa remise
à neuf ?
Une fois le bois mis à blanc, toutes les pièces laiton vont alors
être déposées ainsi que les lisses sur lesquelles repose
la ramerie. Commence alors la restauration proprement dite : les éclats
de bois sur l'hiloire et la pointe avant sont refaits en acajou. Les gerces
dans les fonds sont consolidées par deux plis croisés de 0.5 mm
de placage acajou pour assurer solidité et longévité à
la réparation. Les pièces manquantes que sont le safran et l'assise
cannée du barreur sont refaites dans un souci d'authenticité,
en s'inspirant d'un autre canoë français. Les portants sont repeints
à leur couleur d'origine, retrouvée lors du décapage(vert
foncé, comme la triplette du même constructeur).
Les faiblesses de la fine (4mm) et légère coque sont traitées par une imprégnation à base de PPU : en effet, même si l'acajou est imputrescible, il vieillit et cela se manifeste par un allégement du bois. Le vieil acajou part en poussière, il se délite. C'est en
" J'ai rencontré un ami qui m'a dit... " C'est souvent de cette manière qu'un bateau est découvert dans une cavpartie pour cela que l'on sent le vieux bois dans nos garages d'avirons… La solution ainsi appliquée permet, en remplaçant les vides, de redonner rigidité et résistance mécanique à l'ensemble.
Vient ensuite le temps du vernis, moment de la restauration très apprécié
mais aussi très exigeant. À ce stade, apparaît en quelques
heures, ce à quoi ressemblera l'embarcation : les défauts s'estompent
ou ressortent, les différentes essences de bois contrastent…
L'objectif, pour Gibbon, était de lui redonner tout son éclat
et toute sa finesse, aussi bien sur le plan esthétique que dynamique,
et ce, en restant le plus proche possible de son état d'origine, il y
a 80 ans, quand il faisait ses premiers ronds dans l'eau.
Vous pourrez bientôt voir le Gibbon sur notre plan d'eau.
Marc RONET (dit Marco)