Dodge, des canots nés de l'automobile

Le Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine a récupéré il y a quelques temps, la coque d’un canot automobile Dodge de 1932. Son conservateur, M. Roblin a proposé à notre association d’assurer la restauration de ce bateau de légende.

C'est ainsi que nous nous sommes passionnés par le projet, encore à sa genèse, et nous avons aussitôt voulu découvrir l'histoire des runabouts en "butinant" sur les sites de "toiles d’araignées américaines". 

 

 

Horace E. Dodge Junior

Grand amateur de canots automobiles Horace E. Dodge Jr se passionnait pour la course de canots automobiles, comme pilote, comme sponsor et comme constructeur L'immense fortune héritée de son père, le magnat de l'automobile, lui permet de créer la Dodge Boats and Planes au début des années 20 avec une fabrication industrielle à Détroit.

 

 

 

 

 

Les Watercars

L'année 1924 marqua la popularité des runabouts avec un modèle de runabout standardisé : le premier "Watercar" sort à Détroit. Interviewé en 1927, Horace E. Dodge Jr. disait que : " Les Watercars Dodge ne sont pas construits dans des chantiers délabrés du bord de l'eau, mais dans une usine moderne au milieu d'un grand terrain d'une zone industrielle de Détroit". Tout y est minutieusement étudié pour une fabrication industrielle de grande qualité : zone hors poussière pour le vernis, zone pour bancs moteurs, bureaux clairs... tout comme une usine automobile. Les "watercars" ne sont pas des bateaux de compétition, mais des embarcations résistantes, comme les voitures Dodge, faites pour les loisirs ou utilitaires, que tout un chacun peut piloter, tout en procurant des sensations de vitesse et d'évasion.

Une production industrielle

George Crouch est embauché en décembre 1924 chez Dodge. Il entreprend aussitôt un programme de fabrication à grande échelle. Il est un atout pour le développement de l'activité. Le premier modèle Dodge était un 22 pieds motorisé par un moteur d'auto Dodge marin. En 1925 Dodge a déjà à sa gamme 4 modèles allant de 22 à 26 ½ pieds. "Dazzle" (1925) est un magnifique exemple de "watercar" : il avait un moteur Scripp de 100 CV. George Crouch, vice-président de Dodge Boats, modernise les pare-brise des runabouts par des lignes plus élancées. En 1926 la société Dodge annonçait la sortie d'un 26 pieds avec double cockpit, et un moteur d'avion Curtiss reconverti, similaire à celui utilisé par le concurrent Chris-Craft.

 

 

 

La Gold Cup

Pendant le même temps, Horace E. Dodge Junior ne se passionnait que pour la compétition, courant après la Golden Cup avec des bateaux portant tous le nom de son unique sœur, Delphine. On estime qu'il dépensa 1 000 000 000 dollars pour gagner popularité et promouvoir le nom de Dodge. Horace Junior ne gagnera le trophée tant convoité qu'en 1932 et en 1936. La course à la vitesse continue : en 1927 le constructeur Gar Wood, avec ses runabouts "Baby Gar" atteindra les 50 mph. Chris-Craft standardise un peu plus sa gamme avec un petit 22 pieds et la généralisation du moteur Chrysler.

 

 

 

Crack de Wall Street

Après le crack dramatique de 1929, seuls les petits runabouts de 16 pieds de Dodge résistent commercialement à la crise : ils allaient à 30 mph et ne coûtaient que 945 $. Chris-Craft suivait le mouvement en offrant un runabout de 20 pieds. Avec la nouvelle gamme de 1930, les bateaux Dodge arboraient des signes distinctifs. En plus de la marque "Dodge Watercar" peinte en blanc, une ligne de flottaison blanche rendait les bateaux facilement reconnaissables de loin sur les plans d'eau. Comme la mode était aux ornements de capot pour les automobiles, l’étrave des bateaux était couverte d’un enjoliveur incluant une sirène ailée en nickel massif, la "Flying Lady", due au talent du sculpteur Russel M. Crook : elle orna presque tous les bateaux Dodge durant la décade. On pensait que ça deviendrait la tendance, mais ça n'a pas pris.

Migration de la rivière vers la mer

En 1931 les ventes de bateaux Dodge continuaient à monter en flèche. Horace E. Dodge Jr. annonce le déménagement de toute la fabrication à Newport-New en Virginie, pour construire le plus grand centre de production de bateaux de l'époque. C'est aussi en 1931 qu'apparaissent les premières coques à fond en V multiple, qui faisaient encore plus déjauger tout en réduisant les projections d'eau latérales. Le résultat donnait un bateau à la fois plus confortable, plus sec et légèrement plus rapide. La moitié des runabouts de la concurrence étaient longs de moins de 20 pieds et dans des gammes de prix allant de 650 à 900 $. Les prix ne remontèrent qu'en 1935, avec des runabouts à moteurs plus puissants.

Le runabout à restaurer date de cette époque, 1932. Nous en reparlerons…

 Edmond BALLERIN Page précédente

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