William Turner et la Seine

Une autre exposition de peinture que tous les amoureux de la Seine ne devront pas manquer. Elle est installée au Pavillon des Arts, Les Halles, Porte Rambuteau, Terrasse Lautréamont (M° Chatelet - Les Halles), jusqu'au 31 janvier 2000, puis s'installer ensuite au Musée André Malraux du Havre, du 11 mars 2000 au 12 juin 2000. Cette exposition, préparée par la Tate Gallery de Londres, rassemble quelques 150 œuvres, pour la plupart inédites, petites aquarelles, dessins d'étude et gravures dont elles sont issues. Malgré la petite dimension de ces oeuvres, Turner accumule les détails de la vie quotidienne sur les rives du fleuve : bateliers, lavandières, bergers, paysans, pêcheurs, marins, voyageurs (par diligence, coches d'eau ou bateaux à vapeur), promeneurs. Il s'écarte de la tradition naturaliste en fixant dans ses paysages des éléments de la modernité naissante, moulins, usines, vapeurs. En plus de l’aspect artistique, Turner nous livre une fabuleuse iconographie de la Vie de la Rivière en Île-de-France et en Normandie de la première moitié du XIXème. (E.B).

Courez voir l'exposition "TURNER ET LA SEINE". C'est la première fois que des croquis, des aquarelles des voyages de Turner sur la Seine sont présentées dans leur ensemble.

Le voyage se situe entre 1827 et 1830. Turner prenait le bateau pour Dieppe et gagnait le Havre en diligence. Nous savons qu'il a traversé en vapeur l'estuaire de la Seine du Havre à Honfleur, probablement à bord du "Triton" représenté sur ses croquis.

Les bateaux à vapeur étaient en circulation sur la Seine depuis 1816 : le premier, l'"Élise" en provenance de Londres arrivera au Havre le 9 mars et poursuivra sa route jusqu'à Paris où il sera le 20. Tout le long du parcours il sera fort admiré.

Turner est monté à bord d'autres vapeurs comme la "Duchesse de Berry" ou la "Duchesse d'Angoulême" qui circulaient entre Rouen et le Havre et vice versa (100 passagers pouvaient être à bord et le bateau filait 3 lieues à l'heure). Il prendra aussi la diligence qui le menait à des points de vue, où Turner dessinait de vastes panoramas du fleuve : Rouen, les Andelys, Caudebec, etc. Turner avait eu la commande d'illustrations de vues de la Seine pour de petits livres luxueux destinés à un public plutôt fortuné. Il prenait des quantités de croquis et réalisait de petites aquarelles qu'il faisait interpréter par des graveurs en surveillant lui-même l'exécution afin de respecter l'ambiance qu'il avait souhaitée. Turner réalisa des toiles importantes sur des études de plein air. Je pense qu'il serait étonné de voir aujourd'hui ses croquis et ébauches présentés dans une exposition parisienne.

Après un premier voyage en 1802 sur le continent, il visite le Louvre. Les grands musées anglais comme la Tate Gallery n'existaient pas encore. Puis il gagna l'Italie par les Alpes et fit d'autres déplacements sur la Loire et sur La Meuse. Il séjourna en Bretagne et en Normandie.

On peut aborder Turner de deux manières.

Le peintre d'avant garde.

À travers ses esquisses (pastels aquarelles) où il plaçait des valeurs en quelques à-plats de couleur.

Novateur ! Il travaillait en plein air, il traduisait l'atmosphère d'un paysage selon la lumière de l'instant, avec une extrême sobriété. Il faut se replacer dans le contexte du début du XIXème siècle où les artistes travaillaient en atelier et en référence... l'académisme des anciens ! Cinquante ans plus art les Impressionnistes planteront leur chevalet tout le long de la Seine, sur les lieux même ou Turner a innové.

L'étude documentaire.

Les vues de la Seine nous renseignent sur la vie du fleuve et son environnement / au Havre nous voyons le vapeur "Triton", de longs courriers anglais et français à voiles carrées. Le vaisseau de ligne "Le Téméraire", les gribanes de l'estuaire, bricks de cabotage, lougres avec voiles au tiers, goélettes à voiles carrées. A Jumièges tiens ! Un bateau de promenade. Au château de la Mailleraie une barque à clins à levée, quatre normandes dont une ramant.

Encore à Jumièges, un lougre ou flambard, à Villequier, la grande vague du mascaret. Et puis tous les châteaux aujourd'hui disparus, Tancarville, la Mailleraie etc...

Arrivés à Rouen, nous commençons à remarquer les bateaux de rivière, besognes avec leur immense gouvernail. Meulan, les hommes halent un foncet. Poissy, le pont est couvert de moulins, aujourd'hui disparus.

Saint-Germain-en-Laye, Turner s'intéresse particulièrement aux barges amarrées sous les arches du vieux pont et aux laveuses. Marly, des groupes de jeunes femmes élégamment vêtues, debout au bord de l'eau ou dans des barques. Bougival, au Château de la Chaussée, des scènes de plaisirs nonchalants sur le fleuve, bachot de promenade. Ces deux aquarelles confirment que notre région était au début du XIXème siècle un lieu de détente prisé par des parisiens désireux de fuir la ville.

Ensuite le voyage continue par la traversée de Paris, riche en détails de toute sorte sur les rives. En amont Turner voyage en vapeur ce moyen de locomotion symbolise le progrès : il offre un contraste avec la diligence. Le voyageur doit se familiariser avec le bruit de la machine et des pales qui heurtent l'eau.

Melun, où se termine le voyage en bateau, Turner évoque l'arrivée pendant les basses eaux ; les voyageurs sont amenés à terre ferme dans de petits bachots. À Troyes s'arrête le voyage : Turner vouait remonter la Seine jusqu'à sa source, mais une commande impérative lui fit abandonner son projet. Dommage pour nous !

Nous aurions bien continué la remonte du fleuve en nous laissant vivre dans le passé en contemplant les rives et toute cette activité disparue

Isabelle OUTIN

Bibliographie : Catalogue de l'Exposition "Turner et la Seine" 1999

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