Baguenaude
Corbeil-Essonnes : Les Grands Moulins et les Établissements Decauville, hier et aujourd'hui
Marc André Dubout
Suite à la
reprise de la construction du Tramway Decauville de 1890, j'ai voulu compléter
mes recherches historiques sur ce sujet et suis allé aux archives de
Corbeil-Essonnes avec l'espoir d'explorer diverses pistes que j'avais notées
ayant toujours le sujet à l'esprit. Aussi retournais-je sur le site glaner quelques
observations qui pourraient au hasard réveiller des cheminements insoupçonnés.
C'est ainsi que je reprenais ma vielle baguenaude sur les lieux où Decauville
avait façonné son œuvre. En repérage vers l'Hôtel de Ville où se tiennent le
archives municipales, je suis repassé devant les Grands Moulins de Corbeil édifiés en 1880 au
bord de la Seine. La minoterie des Grands Moulins est visible depuis les berges
du fleuve et s'impose dans le paysage régional. Au-delà du
patrimoine industriel, ce site incarne un symbole historique du développement de
la ville.
Une partie du site est classé MH depuis 1987 pour l'élégance de ses façades et toitures de la tour élévatrice.
L'embarcadère1 de Corbeil est mis
en service par la Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans le 17 septembre
1840 lors de l'ouverture de sa ligne de Paris à Corbeil.2
Gare de bifurcation, elle est située au point kilométrique (PK) 32,3 de la ligne
de Villeneuve-Saint-Georges à Montargis entre les gares d'Évry-Val-de-Seine et
de Moulin-Galant et au PK 11,02 de la ligne de Grigny à Corbeil-Essonnes. Elle
est également l'origine de la ligne de Corbeil-Essonnes à Montereau.
Son altitude est de 39 m.
Sur ces cartes postales, on distingue visiblement la voie de 60 encastrée dans
le pavage de la place de la gare. La voie se dirige avenue Darblay.
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La gare d'aujourd'hui n'a pas la
même élégance que celle du début du Chemin de fer, ni d'ailleurs l'ancien Hôtel
" Terminus "qui est devenu un kébab à moitié abandonné, mal tenu et sale.
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En face de la
gare le traditionnel "Hôtel Terminus" construit dans une certaine
élégance, malheureusement aujourd'hui bien disparue.
D'ailleurs tout ce petit centre de Corbeil a bien pris des stigmates de décrépitude.
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La rue de la gare (puis rue d'Essonnes en 1908, aujourd'hui Jean-Jaurès), vue vers le centre du
village. La voie en bas à droite vient de la gare de marchandises et se dirige
vers les magasins des Grands moulins de Corbeil.
Onne la voit pas sur cette carte postale mais juste derrière l''Hôtel de la
gare passe une voie ferrée de desserte des Grands Moulins de Corbeil.
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Aujourd'hui elle est toujours présente mais plus utilisée. Vue vers la gare de
marchandises.
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et vue vers les magasins des Grands Moulins de Corbeil.
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On la retrouve quelques dizaines de mètres plus loin au croisement de l'avenue
Darblay3 et de la rue de Seine.
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Immédiatement après la traversée du croisement, elle se divise en six voies...
... avant d'entrer dans les Grands Moulins de Corbeil, une minoterie
industrielle au bord de la Seine construite en 1893 par l'architecte Paul Friesé.
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Quelques vestiges de la voie ferrée à l'intérieur de l'établissement. Beaucoup
d'autres voies ont été recouvertes de bitume.
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Une partie du site (façades et toitures de la tour élévatrice) fait l’objet
d’une inscription au titre des monuments historiques depuis juillet 1987.
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L'accès que l'on distingue sur la photo précédente mène à une ancienne
aire de
stockage des wagons.
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Noter la quantité de wagons en attente d'expédition avec en toile de fond
l'Hôtel de Ville de Corbeil. Seules quelques traces de voies ferrées ont
résisté, les wagons, eux, ont disparu.
Les Grands Moulins en pleine activité, desservis par le rail et par la Seine. La
passerelle qui reliait les Grands Moulins aux quais de la Seine a été détruite
par un incendie en décembre 2011.
Situés, à la confluence de l’Essonnes et de la Seine, pour l’approvisionnement de
Paris en farine et de son bassin, les Grands Moulins de Corbeil témoignent d'une
tradition très ancienne. Au Moyen Âge un simple moulin fut construit sur
l'Essonnes avant de se jeter dans la Seine. Les bâtiments à la fois singuliers et
magistraux se dressent au bord de la Seine et font de Corbeil un acteur majeur
de la Révolution industrielle du XIXème S. à partir de 1863, grâce
aux Frères Darblay3 qui modernisent considérablement la production de farine avec
des méthodes innovantes.
Archives communales de Corbeil-Essonnes
Plan des voies à l'intérieur de l'usine.
Mais laissons les Grands Moulins pour s'engager dans la rue Decauville et rejoindre ce qui reste des anciens bâtiments du célèbre Industriel.
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Extrait de " Les
grandes usines de Turgan " édition de 1882
Vue générale de l'usine Decauville installée à Corbeil à partir de 1881-2, suite
au déménagement du site de Petit-Bourg, situé à quelques kilomètres en aval de
la Seine sur la même rive.
L'aide d'Émile, centralien depuis 1877, permit à Paul de choisir un nouvel
emplacement plus grand et surtout mieux situé puisque ce dernier se trouvait sur
la Commune d'Essonnes en limite d'Évry entre la Seine et la voie ferrée de la
Compagnie P.L.M. de Paris à Montargis. En effet la desserte était bienvenue
pour un établissement destiné à recevoir et expédier un volume important de
matériaux, de marchandises, ainsi qu'un tonnage considérable de charbon et
autres matières premières.
Suite à la défaite de 1870, la France se relevait et la réussite de l'industrie
à laquelle Decauville était attaché, contribuait grandement à l'image qu'il
souhaitait donner. Les Établissements Decauville étaient à l'époque les plus
grands du monde en matière de chemins de fer en plein développement. En 1881 on
pouvait lire dans la presse l'extension des ateliers de Petit Bourg vers le
territoire d'Essonnes où un terrain de 8 hectares sera investi pour la
construction d'ateliers industriels qui porteront la dénomination " Petit Bourg"
(jusqu'en 1908-10), avant de s'appeler finalement "Corbeil "4.
La société Decauville fut fondée par Paul Decauville, fils de Amand Decauville, un exploitant agricole de Courcouronnes (Seine-et-Oise) spécialisé dans la production de betterave sucrière et sa distillation en alcool. En 1875, pour débarder une récolte de betteraves dans des champs gorgé d'eau, il invente un nouveau type de voie de chemin de fer de faible écartement (de 400 à 600 mm) qui très vite prit le nom de « Decauville » terme aujourd'hui devenu générique de ce type de chemin de fer portatif et facile à installer.
L'usine est divisée en parties bien distinctes où l'on fabrique : dans l'une les
voies, dans une autre les wagonnets, dans une troisième le matériel roulant,
dans une quatrième les locomotives.
Les matière premières entrent dans les ateliers par deux bout, pour en ressortir
au centre complètement transformées et prêtent à être expédiées.
Une machine à vapeur de 100 chevaux, du syst(me Corliss, construite par V.
Brasseur à Lille actionne une partie de l'usine. Il y a quatre autres machines à
vapeur fixe pour le service des autres ateliers. Toutes sont alimentées par des
chaudières du type tubulaire de Weyher & Richemond.
Ce qui représente une production journalière de 120 tonnes de fer fabriqué. Une
réserve de matériel exécuté à l'avance permet de satisfaire les commandes sans
délai.
Mais l'usine ne fabrique pas que du ferroviaire, elle produit également des
cycles, tricycles, voitures, etc.
Les visites se terminent généralement par le laboratoire d'essai des métaux qui
s'inspire de celui du Conservatoire des Arts & Métiers.
Et la visite se termine par
Le
voyage présente l'ensemble des difficultés pouvant être rencontrées : lacet,
rampe de 4 %o, courbes serrées de 20 m. de rayon, rampe
hélicoïdale, puis d'autres à 5 et 9 %o, plan incliné. Même
l'usage de la crémaillère a été utilisé malgré l'impossibilité brandit à cause
du faible écartement entre les roues Decauville a présenté Hercule,
la locomotive munie d'une crémaillère analogue à celle du Righi. la bala se
termine au restaurant de la Société coopérative.
L'application du Decauville est pratiquement infinie, dans les caves, les
travaux publics, les hôpitaux pour le transport des repas, dans les
fabriques, d'allumettes, de pipes, maraîchage, etc. À Petit-Bourg un bureau
spécial étudie tous les cas de figure pour répondre à la demande et proposer un
devis.
Le wagonnet remplace le brouette et le prix du transport est au rendez-vous. Des
exemples concrets de réalisation en France et à l'étranger illustrent ces
informations.
Connu dans le monde entier, Decauville fut l'un des fleurons industriels
français à partir des années 1880 et jusque dans les années 1970.
Malheureusement, et c'est décevant, mais il ne reste plus grand chose de ce
fleuron industriel du XIX et XXème S. sur le territoire qui le rendit
célèbre dans le monde entier.
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Vus du chemin de fer (ligne D) il ne reste que quelques bâtiments au milieu
d'une friche industrielle desservie par une rue Decauville minable où
s'entassent détritus, déchets et immondices.
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Plus ou peu de voies ferrées visibles excepté dans quelques bâtiments où se trouvait
le pont roulant pour la desserte des ateliers.
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Voilà dans quel état est la pauvre rue Decauville qui n'est même plus une rue
mais une impasse qui se heurte à un mur de soutènement d'un rond-point d'accès à
la Francilienne.
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En retournant vers le centre de Corbeil, sur un quai d'accès à la Seine
(peut-être l'ancien port qui desservait les usines,
apparaît ce vestige de voie de 60 à contre-rail encastré dans le béton.
L'usine et les bords de Seine.
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Cette voie ferrée particulière ne date pas de l'époque Decauville. Elle est
contemporaine et depuis la prise du cliché, elle est abandonnée.
Et maintenant quelques photographies de l'usine à la " Belle Époque ".
Revue de l'Exposition Universelle de 1889
La gare des marchandises de Corbeil et les jardins ouvriers.
Les entrées n° 1 et 2, mille fois photographiées avec la présence des ouvriers à
l'occasion de diverses manifestations.
En face de l'entrée n° 2, l'atelier des expéditions avec sa voie de chargement,
bordée de deux voies de 60, une sur chaque quai.
Légende erronée, il s'agit de la cour, entre les bâtiments, dans laquelle
stationnent des véhicules prêts à être expédiés. À droite une automotrice
électrique.
Une 021-T type??? chargée sur un wagon plat supportant 10 tonnes prête à être
expédiée vers ... peut-être un pays lointain.
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La rue Decauville qui dessert l'usine, le long de la voie ferrée.
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La même rue aujourd'hui, entourée d'une usine dont les bâtiments sont en ruine,
toitures éventrées, murs salis, état de délabrement avancé.
Quelle tristesse ! Si MM. Decauville voyaient cet accablant spectacle !
Notes :
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Sources :
Site :
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