Le carnet du CFC

Decauville et l'Exposition coloniale internationale de 1931 

Marc André Dubout

L’Exposition coloniale internationale s'est tenue à Paris du 6 mai au 15 novembre 1931, à la porte Dorée et sur le site du bois de Vincennes, pour présenter les produits et réalisations de l'ensemble des colonies et des dépendances d'outre-mer de la France.
L'Afrique noire, Madagascar, l'Afrique du Nord, l'Indochine, la Syrie et le Liban, principales puissances coloniales y sont largement représentées. Elle est inaugurée par le Président de la République Gaston Doumergue, le Ministre des Colonies Paul Reynaud et le commissaire général de l'exposition le maréchal Hubert Lyautey.
Elle reçut huit millions de visiteurs, venus accomplir « le tour du monde en un jour » selon le slogan de l'époque.
Un ensemble de monuments représentatifs des colonies est édifié sur 110 hectares, autour du lac Daumesnil, dans le bois de Vincennes. L'entrée principale (la porte d'Honneur) est
située à la Porte Dorée. Deux cents pavillons sont répartis sur le site et sont à la disposition des exposants locataires.
Différents moyens de transport sont à la disposition du public dont le chemin de fer Decauville et les cars électriques.

Le chemin de fer Decauville

C'est le chocolatier Menier, établi à Noisiel qui a pressenti1 l'entreprise Decauville pour l'organisation d'un petit chemin de fer dans l'enceinte de l'exposition. Mais c'était sans compter l'existence de la S.T.C.R.P.2 qui exploitait le réseau de surface de la région parisienne et dont la direction, dans cette décennie, fit disparaître les tramways à Paris et sa banlieue.
Le petit chemin de fer de desserte fut construit et concurrencé et ce fut aussi ses dernières heures de gloire.
Decauville pour cette exposition fournit 5 locotracteurs et 24 baladeuses, ce qui n'implique pas qu'il en fut le constructeur.
Le chemin de fer Decauville décrit une boucle d'une longueur de 3372 mètres, autour du lac Daumesnil. Construit en voie de 60 cm., il comprend 6 stations :

  • Porte d'Honneur, 
  • Porte de Reuilly, 
  • Afrique française, 
  • Parc Zoologique, 
  • Italie-Pays-Bas, 
  • États-Unis-Danemark.


La station "Porte de Reuilly"

Deux plans d'époque font apparaître, au niveau du "Nouveau Palais", sections métropolitaines annexes, une voie de garage.
Sur le premier plan, il n'y en a qu'une seule représentée, sur celui de la BNF il y en a deux
.


                                                 BNF Gallica

Les trains, équipés de tracteurs Renault-Decauville et de Comessa, étaient composés de 4 rames de 6 voitures proposant 162 places.

Locotracteur Renault-Decauville.  
C'est un 1C0, entraîné par un faux essieu à l'arrière du locotracteur. Ces locotracteurs au nombre de quatre furent construits par Decauville et motorisés par L. Renault. Leur motorisation était conçue comme celle des jeunes autobus avec une boîte à quatre vitesses et une marche arrière, donc avec une marche préférentielle dans un sens. La puissance des moteurs étaient de 120 Cv sur six cylindres.
Après l'exposition trois furent vendus à la sucrerie de Sermaise dans le Loiret et affectés au transport des betteraves sur le réseau de la sucrerie relié temporairement à celui du Tramway de Pithiviers à Toury ( TPT).

 

 

 

 

Photo Jacques Bazin
La sucrerie remplaça les moteurs et installa une cabine pour abriter le mécanicien. Un fut acquis plus tard par la sucrerie de Pithiviers pour le même usage et soulager le parc vapeur et aussi les mécaniciens (conduite, entretien, etc.). 

Le L.T.1 au dépôt du TPT.

 

 

 

 

 

 

 

Photo Jean-Henri Manara
Lors de la création du Parc floral de la Source en 1967, il changea de propriétaire et d'usage pour le transport des visiteurs des Floralies d'Orléans.
Il fut alors recarrossé par les Établissement Cadoux à Saint-Denis-de-l'Hôtel (45) qui lui donnèrent une aspect plus ferroviaire. Sur cette photo, on reconnaît bien l'avant incliné comme il était dans son aspect d'origine.

Après les Floralies, il fut ferraillé, du moins on en perd sa trace.

Infos Patrick Mourot

 

 

 

 

 


Locotracteur Comessa de configuration 0B0. 
Son aspect est plus proche des locotracteurs qui nous sont familiers. Celui-ci ressemble assez à un locotracteur Comessa qui se trouvait aux ardoisières de Trélazé. Bulletin Officiel de l'Exposition de Lyon, mardi 22 mai 1894

Les baladeuses à bogies étaient de construction Comessa. Elles avaient huit sièges de 3 places dont le dossier, semble-t-il, était réversible en fonction du sens de marche. Elles étaient dépourvues de marchepieds et un dais sur toute leur longueur protégeait de la pluie. Elles étaient munies d'un attelage type artillerie, fixé sur la cheville ouvrière du bogie. 


Les baladeuses Comessa avaient des sièges rembourrés pour le confort des visiteurs.

De 2 à 5 trains circulaient en permanence, en marche à vue assurant un débit total maximal de 2000 voyageurs par heure. 
En tout 1 736 266 visiteurs furent transportés, soit 1/3 de moins qu'à l'Exposition universelle de 1889.


Une rame en circulation. La voie est noyée dans la voirie sans contre rail.


Cette petite
vidéo de l'exposition nous montre le petit train Decauville à
01:00:40:00

La fontaine "cactus" fut la plus importante fontaine hydro-lumineuse aménagée en dehors du lac Daumesnil. Elle mesurait 17 m. de haut et son diamètre était de 16 m.


Le train Decauville passe devant la fontaine lumineuse.

La voie Decauville lors de la construction de l'exposition

D'après le "Rapport général tome 2" l'Exposition coloniale a fait progresser l'art de la construction. À la lecture des constructions entreprises, le volume de terre manipulé, de matériaux acheminés, de bâtiments construits, de voirie tracée, le site fut un vaste chantier sur lequel, par les photographies, l'œil averti peut repérer la présence de la voie étroite indispensable pour les manutentions en tout genre.

Le Musée des Colonies fut la seule construction durable, faite pour survivre à l'Exposition.


La construction du musée des Colonies

La construction de la Cité des informations fut confiée à MM. F.C. Chevalier t J. Bourgon, architectes qui créèrent l'ensemble monumental qui répondit aux idées personnelles de celui qui avait voulu cette Cité : M. le maréchal Lyautey, commissaire général de l'exposition.

Le périmètre de l'Exposition offrait un développement linéaire de 6330 mètres entièrement clos. Vingt et une portes outre la porte d'honneur furent percées ; les vingt-deux pylônes de la porte d'honneur, érigés en deux rangées parallèles créaient un rythme voulu pour donner une impression de grandeur. Les palmiers, eux, complétaient l'ambiance d'exotisme.


La porte d'honneur avec un tramway en attente de départ. Nombres de voies de tramways ont été déplacées pour laisser de l'espace aux accès de l'Exposition.


La porte 13 avec la voie du chemin de fer Decauville dont le tracé suivait le périmètre de l'Exposition.

La distribution de gaz fut à la charge des exposants (restaurateurs, pâtissiers, etc.). Elle était assurée par la Société du gaz de Paris (S.G.P.).


Ici un appareil de secours alimenté au gaz. Mais c'est pour la voie étroite bien visible que la photo est intéressante.

En août 1931, la Société centrale de chemin de fer4, rivale de Decauville introduisit un nouveau matériel sur la ligne. Un déraillement eu lieu et il y eut des blessés.
Ce fut la fin des petits trains dans les expositions universelles. Celle de 1937 fut orpheline.

Moyens d'accès à l'exposition

Pour accéder l'Exposition Coloniale et installer aux divers lieux de l'exposition, plusieurs aménagements des moyens de transports parisiens furent effectués :

  • Réalisation d'une desserte de l'exposition par un embranchement spécial de voie ferrée sur le réseau de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Est, ligne de Paris-Bastille à Brie-Comte-Robert. Cette desserte a été utilisée pour apporter :
    • les matériaux des palais édifiés au Nord de l'avenue Daumesnil,
    • les objets à exposer dans ces palais,
    • le matériel roulant exposé dans le hall de la section métropolitaine.

Il n'y a pas eu de transport de voyageurs.

• Construction de la ligne de métro n°8 Porte d'Auteuil-Porte de Charenton.  
• Renforcement des lignes de tramways et d'autobus. Création d'une gare de voyageurs importante au voisinage de la Porte d'Honneur.


Plan des différents modes de transport pour accéder à l'exposition.
http://expocolo.paris.1931.pagesperso-orange.fr/acces-transports.84.html

Quelques concurrents

En termes de moyen de transport au sein de l'exposition, en plus du petit train Decauville un service de car électrique était à disposition des visiteurs. Confié à la Société pour le Développement des Véhicules Électriques, 58 véhicules, principalement de marques Renault et Fenwick furent utilisés. Chaque véhicule emportait entre 12 et 16 passagers. Ces électrocars furent utilisés pour des circuits à thèmes, répartis suivant les groupes de sections et activités de l'Exposition. 
1 093 798 personnes furent transportées. 


Electrocar Fenwick

 
Car Panhard

Ces concurrents, en cette début de décennie, ne le furent pas qu'à l'exposition. Le réseau de tramways voyait disparaître chaque année nombre de lignes.

Autre curiosité

Le Scenic Railway


Le Scenic Railway évoluant à travers l'Atlas marocain. Il s'agit d'un manège du type "Montages Russes" installé le long de l'avenue de Reuilly. C'était l'attraction la plus importante de l'exposition

Le chemin de fer en général dans la construction de l'Exposition


Rapport général Tome 2 Construction Olivier Marcel

Utilisation du chemin de fer dans la partie aménagement horticole de l'exposition.

Rapport général Tome 2 Construction Olivier Marcel - page 37

Au terme de la convention passée en l'État et la Ville de Paris, les terrains concédés devaient être, après clôture de l'Exposition, restitués dans un délai de quatre mois.
Pour ce qui est du chemin de fer Decauville, aucune infrastructure ne fut entreprise et la dépose de la voie n'a pas entraîné de dégradation.

 

Après, la vapeur en 1889, l'électricité en 1900, Decauville toujours en veille progressiste a cette fois eu recours au moteur thermique.

Notes
  • 1 Menier connaissait le succès des petits trains Decauville et c'était pour son entreprise un vecteur publicitaire de choix.
  • 2 Société des Transports en Commun de la Région Parisienne créée en 1921 et dirigée par M. Mariage qui avait des accointances avec Renault et le projet de remplacer les tramways par des autobus. L'exposition de 1931 qui vit apparaître des bus électriques et divers services sur route n'allait pas dans le sens d'un tramway sur rail même en voie de 60.
    Les années Trente furent celles de la disparition organisée des tramways en région parisienne.
  • 3 COstructions MEcaniques Schiltigheim-Strasbourg SA créé en 1920, orientée initialement vers la fabrication de machines destinées à l'industrie textile, sa spécialisation actuelle se précisa dans les années 45.On doit à cette entreprise la construction de plusieurs locotracteurs en voie de 60, VM et VN.
    C'est aujourd'hui une entreprise spécialisée en Génie Chimique et Génie Mécanique.
  • 4 La société centrale de chemins de fer et d'entreprise (SCF) est créée le 7 février 1927. Elle se substitue au groupe Baert-Verney constructeur et exploitant de voies ferrées d'intérêt local (VFIL).
    Elle développe une activité de construction de véhicules ferroviaires et dès 1934 apparaît la construction d'autocars.
  • 5 

Sources :

  • Le Livre d'or de l'Exposition coloniale internationale de Paris - Paul Reynaud - 1931
  • Rapport général Tome 2 - Construction - Olivier Marcel
  • Decauville ce nom qui fit le tour du monde - Roger Bailly - Editions Amattéis - 1989

Sites

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