Le carnet du CFC

Marc André Dubout

Les gares marchandises de la Petite Ceinture

La ligne de la Petite Ceinture a été créée en 1852 pour permettre à des trains de marchandises de contourner Paris. Sa longueur est de 32 Km à l'intérieur des boulevards des maréchaux, constituant une limite symbolique de la ville dans l'enceinte des anciennes fortifications de Thiers. Elle a été construite à double voie sur son intégralité. Lors de l'intégration de la ligne d'Auteuil en 1854 dans les 16ème et 17ème arrondissements elle s'ouvre aux voyageurs et assure un service circulaire reliant toutes les gares parisiennes des grandes compagnies.
Avec l'Exposition universelle de 1900 elle atteint son point d'orgue et transporte cette année 38 millions de voyageurs. Mais l'Exposition universelle apporte aussi aux parisiens le jeune Métropolitain qui s'étend dans la capitale et participe inexorablement à son déclin.
Dès 1934, certaines sections ferment aux trafic voyageurs et finalement seule la ligne d'Auteuil de Pont Cardinet à Auteuil subsiste jusqu'en 1985. Le trafic voyageurs est alors reporté sur les boulevards des Maréchaux par la STCRP1.
L'abandon progressif du fret entraîne sa fermeture en 1990, plusieurs sections sont déferrées mais la plate-forme à double voie reste cependant classée. Aujourd'hui la Ville de Paris a transformé certaines sections en voies vertes ouvertes au public. D'autres parties, en principe interdites, sont prisées des amateurs de vestiges urbains.

Sa vocation initialement marchandises
Ouverte au début pour contourner la capitale et relier entre elles les gares des grandes compagnies, la Petite Ceinture a connu sur son parcours un certain nombre de gares marchandises locales aujourd'hui oubliées voire disparues. Indépendamment des grandes compagnies qui possédaient leur propre gare de marchandises en avant des gares voyageurs, la Petite Ceinture était dotée des siennes sans compter les gares particulières comme Paris-Bestiaux.
Comme le montre cette carte, en commençant par le Nord (pour faire plaisir à Alain), on trouve la gare de marchandises de l'Évangile puis dans le sens horaire, celle de Belleville-Villette avec son embranchement vers Paris-Bestiaux. Après le tunnel des Buttes-Chaumont et celui du Père-Lachaise, la ligne dessert la gare de Charonne-Métro, elle continue, dessert les voies de Paris-Bastille, de Paris-Lyon puis après avoir enjambé la Seine, celles de Paris-Austerlitz et enfin celles de Paris-Orsay. Elle dessert la gare des Gobelins en cul-de-sac et plus au sud celle de Glacière-Gentilly. Elle continue à parcourir le Sud de Paris en direction de l'Ouest et dessert la gare de Vaugirard-Métro et enfin la gare de Grenelle en bord de Seine.
La ceinture Ouest est dépourvue de gares marchandises.

La gare de marchandises de l'Évangile

Son nom vient de la rue de l'Évangile toute proche. Le secteur du Triangle de l'Évangile, a une superficie de 1,3 ha environ et est située sur l'ancien site des usines à gaz de la Villette qui a laissé place aux entrepôts Macdonald.
Aujourd'hui la gare marchandises de l'Évangile a disparu et elle a laissé place à une nouvelle gare qui va être créée en plein Paris, située entre Magenta et Pantin, sur la ligne actuelle du RER E (EOLE). Le projet a été validé en 2010 par le STIF.
Sur la photo de droite, les voies au loin sur le pont sont celles de l'ancienne liaisons Est-Ceinture. Un raccordement entre la Ceinture et le tramway T8 est prévu si son prolongement était programmé vers le Sud-Est.

Vue vers la future gare (janvier 2013) : à gauche l'entrepôt Macdonald en travaux, et les voies du tramway T3b avec la station Rosa Parks au loin; à droite les voies de la Petite Ceinture (en partie déferrées) puis la voie de liaison avec les voies de Paris-Est.
Photo Clem

Les voies de l'Est passent au-dessus de celles de la Petite Ceinture. À gauche les entrepôts Macdonald de la société de fret Calberson, achevés en 1970. Avec ses 617 mètres de long et son emprise au sol de 5,5 hectares, c'est l'un des plus grands bâtiments de Paris.
Photo Ralf.treinen

 

 

La Chapelle-Charbon

Le site de Chapelle-Charbon (proximité de l'usine à gaz) est situé entre la rue de La Chapelle et la rue de l'Évangile. Il est au centre du faisceau de raccordement reliant les voies de la Gare du Nord à celles de la Gare de l'Est. Il a une superficie de 1,3 ha.

La gare de la Chapelle-Charbon, novembre 1983.
Photo Didier Duforest

 

 

L'ancienne gare de Paris-Charbon, entrepôt de la Société des Charbonniers réunis.
Des wagons de 10 tonnes apportaient le charbon qui était ensuite mis dans des sacs de 50 Kg. puis livré à domicile. La manutention était manuelle. À cette époque les immeubles parisiens étaient chauffés au charbon et cette activité employait de nombreux ouvriers.  

Vue sur la friche ferroviaire de Chapelle Charbon, entre l'entrepôt Ney et la zone d'activités CAP 18 © Direction de l'Urbanisme

 

La gare de Paris-Bestiaux, Paris-Abattoirs
Suite à la convention signée entre la Petite Ceinture et la Ville de Paris en 1864, l’embranchement est livré à l’exploitation le 18 octobre 1867. Mais les installations s'avèrent vite insuffisantes. Pour pallier sa saturation, la gare est ouverte la nuit à partir de l’automne 1898.
L'embranchement est relié à la Petite Ceinture par un triangle à double voie au Nord et au Sud de la gare de Belleville-Villette.

L'amorce de l'ancien embranchement Sud de Paris-Bestiaux, au croisement de la rue Crimée et de la rue Manin.
La gare est désaffectée le 31 décembre 1977.
En 1871, le trafic était de 557 992 animaux reçus ou expédiés et en 1913 il était de 2 125 543.
Paris-Bestiaux était le plus grand marché d'animaux. Certains arrivaient par trains d'autres revendus quittaient le marché.
Photo Ignis

 

Non loin ,de l'autre coté du canal de l'Ourcq, il existait la gare de Paris-Abattoirs dont les voies longeaient le boulevard Macdonald. Chaque bâtiment devait à l'origine être desservi par une voie ferrée mais elles ne furent jamais construites. 
Les animaux arrivaient par trains entiers. La grande halle centrale, qui a été préservée, était dédiée aux bovins. De chaque côté se trouvaient la halle aux moutons (à gauche) et la halle aux porcs et aux veaux (à droite) de dimensions plus restreintes.

gravure : le marché aux bestiaux en 1867

Devant à l'angle des boulevards Sérurier et d'Allemagne se tenait un immense abreuvoir circulaire.

 

Les voies de Paris-Bestiaux avec un train récemment arrivée le long de la grille du boulevard Sérurier. Les animaux étaient ensuite débarqués sur un quai haut puis acheminés vers leur halle respective.

 

La photo montre un accident survenu le 3 octobre 1921 où une locomotive en défaut de freins est tombée dans le canal de l'Ourcq qui était traversé par un pont levant.

Photo de presse Agence Meurisse Bibli.Gallica

 

 

La gare de Belleville-Villette

La gare est mise en service le 15 juillet 1856 pour le trafic de marchandises, puis ouverte au trafic voyageurs en juillet 1862.
Cette gare était située dans le triangle de l'embranchement de Paris-Bestiaux dit raccordement du Marché.

Photos "Paris l'Art nouveau"

 

Vue de la gare vers le Nord. Le BV est à gauche de la double voie, la halle marchandises et les voies de débords sont coincées dans le triangle à double voie de l'embranchement Paris-Bestiaux, Paris-Abattoirs.
À droite une vue similaire sous la neige.

 

 

Plan des installations de la gare marchandises Belleville-Villette.

 

 

 

Cliché pris du sommet du tunnel de Belleville (1124 m.), vue en direction du Nord (Pont de Flandre).
On distingue sous le pont de la rue de Crimée l'amorce de l'embranchement vers l'Est et derrière le pont, la halle marchandises. Les bretelles de raccordement au premier plan en permettent l'accès.
La voie de droite est un tiroir de la gare marchandises.

 

 

Un train de voyageurs est stationné en gare de Belleville-Villette en direction du Sud (Ménilmontant).
Noter l'importance de la halle marchandises.

 

 

 

La gare de Charonne-Marchandises

La gare de marchandises située au Sud de la station voyageurs s'étend le long du boulevard Davout entre les rue du Volga et de Lagny et comprend pas moins d'une dizaine de voies plus des voies perpendiculaires reliées par une série de plaques tournantes.
Les trains de bois livraient des billes aux ébénistes du faubourg Saint Antoine qui demeure le fief des métiers liés au bois et à l’ameublement de qualité.
L'actuel terrain disponible a été loué à la RATP pendant une demie dizaine d'années.
Non loin, la RATP possède le dépôt de Lagny réouvert en 2015 qui accueille 180 bus.

 

La gare de Charonne-Marchandises à l'intérieur des fortifications.
Archives de Paris

 

 

Gare de Vincennes avec au fond Charonne-Marchandises. Vue en direction du Nord. Un train se dirige vers le Sud (Rue d'Avron). À gauche l'usine à gaz.
En 1900, la gare de Vincennes se trouve en correspondance avec la ligne du Métropolitain Porte-MaillotPorte de Vincennes.
Noter à gauche le tramway dit le "Nogentais".
Photo de droite vue aérienne des voies de la gare de marchandises, à gauche le boulevard Davout. Vue en direction du Sud (vers Vincennes).

Photo cheminot de la Petite Ceinture

La gare de Charonne (voyageurs) devenue le "Café de la Flèche d'Or." Au fond on distingue le tunnel de Ménilmontant (139 m.). Cette station, proche du Bois de Vincennes, est ouverte le 26 avril 1869 et reconstruite en 1889 lors de la suppression des passages à niveau.
Rappelons que la Petite Ceinture ne compte dès les années Trente plus aucun PN.
Photo R. Charuel

 

 

La gare des Gobelins

La gare est déclarée d'utilité publique par décret du 19 mars 1897 et la gare ouverte le 15 mai 1903. Elle a été créée à la demande d'industriels (usine à gaz de la Maison blanche, entrepôts Trotot et raffinerie Say), demande qui allait dans le même sens que la Ville de Paris qui souhaitait le développement de ce lieu.
Insérée entre l'avenue  d'Ivry, la rue Nationale et la rue de Tolbiac elle comprenait une quinzaine de voies, toutes reliée par deux voies perpendiculaires reliées entre elles par des plaques tournantes. Une de ces voies débouchait dans la cour avenue d'Ivry.  Une voie était munie d'une portique roulant permettant le transbordement entre la voie de fer et celle de pavés. Deux  autres entouraient une halle marchandises, prolongée par un quai haut.

L'usine à gaz de la rue de Tolbiac, non loin de ka station Maison blanche.

 

 

 

Les charbonniers pratiquement présents dans toutes gares de la Petite Ceinture avaient un important centre de distribution dans la gare des Gobelins comme le montre ces cartes postales du début du Siècle dernier. 
La raffinerie Say se trouvait le long de la Nationale.
L'accès à la gare se faisait rue Tolbiac dont elle porte aussi le nom.

 

L'ancienne gare aujourd'hui détruite a conservé 5 voies souterraines dont deux à quai, recouvertes par la dalle des Olympiades dans le 13ème arrondissement. Elle est toujours raccordée à la Petite ceinture par un tunnel aujourd'hui investi par les sans-abris.
En 1990, elle a reçu 460 wagons de marchandises pour 14 600 tonnes, essentiellement des produits alimentaires. L'année suivante elle a cessé son activité à cause de la coupure de la Petite Ceinture.

Photo Didier Duforest

La Poterne des Peupliers

La Poterne des Peupliers et les fortifications. À cet endroit il y avait des voies de débords le long de la rue Savarin.
C'est à la Poterne des Peupliers que la Bièvre entre dans Paris.

 

 

 

La gare de Glacière-Gentilly

Plan des installations de la gare marchandises Glacière-Gentilly. La gare de Glacière Marchandises se situe entre les stations Maison Blanche et Parc de Montsouris.
Des voies de remisage des rames étaient établies parallèlement à celles des marchandises dont la gare étaient accessible Place de Rungis.

 

Les voies au niveau de la Glacière-Gentilly.

À droite un train d'amateurs remorqué par la 230 G 353  de l'APPMF, classée monument historique en 1987.

 

 

La gare de Vaugirard-Métro

Un train en direction de Vaugirard vient de quitter la gare de Ouest-Ceinture. La voie à droite se dirige vers les abattoirs de Vaugirard desservis par un quai haut.

Photo http://valgirardin.fr/

Les abattoirs ont été construits entre 1894 et 1897 et fermés en 1978. Seule une voie avec quai haut en impasse les desservait.

 

Chevaux acheminés par trains aux abattoirs de Vaugirard. Les bêtes venaient de l'Est (Pologne, Allemagne). Ils étaient parfois accompagnés par des hommes qui les nourrissaient et les faisaient boire. Les trains comptaient parfois jusqu'à 25 wagons.
Photo cheminot de la Petite Ceinture

 

La station Vaugirard-Ceinture. À cet endroit la voie ferrée est en talus, laissant passer, sous elle, les grandes artères radiales du Sud de la capitale.

 

 

 

La Petite Ceinture avait un embranchement sur la partie rive gauche relié à l'atelier du métro de Vaugirard par un viaduc et une voie encore en place en 2020.
Métro : bogie moteur de Sprague démonté pour entretien aux Ateliers de Javel.

 

 

 

La gare de Grenelle

La gare marchandises de Grenelle se situait dans le raccordement de la Petite Ceinture avec la ligne des Invalides. Ce raccordement existe toujours en direction des Invalides.
La station Grenelle-Voyageurs était en correspondance avec la ligne des Invalides.
Ici la gare en 1910 lors de la grande crue.

La gare marchandises était reliée aux usines Citroën quai de Javel et aux usines Renault, via la ligne des Moulineaux. Ces deux usines ont aujourd'hui disparu.

 

Plan des installations de la gare marchandises Grenelle-Marchandises avec la station voyageurs et le raccordement avec la ligne des Invalides.
La gare marchandises se trouvait sur la bretelle vers Paris-Invalides. Aujourd'hui cet espace a disparu, il ne reste qu'une voie de raccordement.
Noter la délimitation des anciennes fortifications.

1948, train de voitures Citroën venant de l'usine quai de Javel (ligne des Invalides) et transitant sur la Petite Ceinture Sud via le raccordement de Grenelle.
Dans les années 50 ce sont les trains de 2 CV qui transiteront de la même manière.

 

 

 

Une autre photo de Grenelle-Marchandises pendant les inondations de 1910.

À droite, toujours les inondations de la gare marchandises avec au fond la Tour Eiffel.

 

 

Une des vocations de la gare de marchandises était celle de la distribution charbonnière présente dans pratiquement toutes les gares marchandises de la Petite Ceinture et des gares parisiennes intra-muros des grandes compagnies.

 

 

Courcelles-Ceinture

Sur la PC rive droite, il n'y eut aucune gare de marchandises, en revanche entre les stations avenue Henri-Martin et avenue de Clichy, la tranchée était à quatre voies (Ceinture et ligne St Lazare—Champ de Mars (1889) et le raccordement de Courcelles-Ceinture était remarquable par son activité.
Un passerelle miraculeuse enjambait l'ensemble du faisceau de voies semblable à celle où je me tenais dans les années 50 à la gare de triage de Nanterre, respirant les volutes de vapeur. Bien que dépourvue d'activité marchandises, la gare de Courcelles-Ceinture avait des voies de remisages des rame et un petit dépôt de locomotive avec parc à charbon et grue hydraulique.
Aujourd'hui il ne reste que les cartes postales.

Avenue de Clichy
C'était une gare de raccordement vers les voies État (coté banlieue) et celles de la gare marchandises des Batignolles. Un groupe d'une demie dizaine de voies en impasse dites "groupe du pont de Clichy", complétait les installations.

Garage des Épinettes
Situé en amont de la gare Avenue de St Ouen, le garage des Épinettes se composait de deux voies en impasse traversées par le raccordement à voie unique se dirigeant vers les Docks de St Ouen (ancienne gare d'eau du canal St Denis).

 

La Capitale possédait d'autres gares marchandises intra-muros, principalement celles des grandes compagnies de l'époque. Elles étaient souvent situées entre la gare voyageurs et la périphérie de la ville alors peu peuplée. Les lignes indépendantes comme Paris-Bastille, Paris-Invalides, avaient aussi leur propre gare marchandises... mais ceci est une histoire.

 

Notes :
  • 1 Société des Transports en Commun de la Région Parisienne, créée en 1920

Sources :

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